REGARD AU RETROVISEUR DE NOTRE HISTOIRE
On est en droit de se poser la question de savoir si un parti au pouvoir adopte la même attitude que lorsqu’il n’y est pas (Ben Gourian)
Un bien triste épisode en 1942, s’est déroulé ici en France, chez nous, à l’époque où les nazis hégémoniques écrasaient l’Europe, sous les chenilles de leurs blindés. Souvenir impérissable dû à la cruauté des hommes et de l’attitude de certains Français du gouvernement de Vichy, envers une catégorie d’êtres humains, qui mérite notre plus grand respect et un grand coup de chapeau pour sa volonté à se reconstruire dans un trou perdu du Moyen-Orient qu’ils défendent bec et ongles contre le siège que leur imposent depuis plus de 70 ans, les pays hostiles riverains, de cette terre désertique qu’ils ont façonnée de leurs mains meurtries et calleuses. Ils ont même réussi à régler leur compte à certains de leurs bourreaux nazis qui se cachaient en Amérique du Sud ou ailleurs. Chapeau !
Ils ont créé un état respecté et craint et sont devenus la sentinelle du monde occidental au moyen orient. Quelle revanche ! Leur tort en 1942, celui d’être des Juifs. Ils furent regroupés au Vélodrome d’hiver (Vel d’Hiv) de Paris, malmenés, insultés, battus, par la police gestapo-pétainiste de cette époque. Leur direction : les camps d’extermination d’Auschwitz, de Dachau, de Belzec et Chemillé (Pologne), de Maly Trostenets, de Sobibor, de Treblinka de sinistre mémoire, de Drancy et de Royallieu (France, la honte), Ravensbrück, Buchenwald et même un camp en Afrique du Nord à Hajerat M’Guillbien où de nombreux juifs moururent de faim, de maladie ou de torture. Il y en eut bien d’autres en Russie, en Pologne, mais leurs noms m’échappent.
En 1942, la police pétainiste et ses collaborateurs, s’en sont pris aux Juifs qui avaient la réputation d’être âpres au gain, exploiteurs, avides d’argent, bref conformes aux images stéréotypées antisémites de la propagande nazie. Je n’étais pas encore né, mais j’ai bien retenu et apprécié les souvenirs de mes anciens, de mes proches et surtout de mon père qui m’a tout raconté des évènements qui ont secoué le monde entre 1942 et 1965.
Lorsque l’on nous a mis à la porte sans ménagements de nos trois départements Français de là-bas en 1962, je n’avais que six ans et mon jeune frère trois ans, mais mon père témoin vivant et passionné de ces évènements, nous a fait part de ce qui précède et de ce qui suit.
De ce que j’ai retenu, je ne puis m’empêcher d’établir un parallèle entre ces pauvres Juifs tant haïs et nos propres parents pied-noir. En 1962, soit vingt ans après, la police gaulliste et les Métropolitains, agissant comme les crétins de Vichy, s’en sont pris aux pieds noirs qui avaient la réputation d’être également âpres au gain, exploiteurs des Algériens, colonialistes, bref conformes aux mêmes images stéréotypées anticoloniales de la propagande marxiste et gaulliste.
Certes, nous n’avons pas été envoyés dans des camps de concentration pour y être exterminés ; la comparaison entre Juifs et Pieds noirs (que ces derniers soient, Juifs ou Chrétiens) s’arrête là. Mais que de drames avant le funeste départ de 1962 :
- Signature des accords d’Evian dans notre dos, le 19 Mars 1962.
- Le massacre de la rue d’Isly du 26 Mars 1962 par l’armée gaulliste (la force locale) qui tire sur des Français sans défense.
- Tir à vue à Oran, sur des Français organisant un concert de casseroles, blessant ainsi une fillette de 10 ans aux jambes, lui infligeant par la suite une amputation de ses deux membres. (les média serviles de l’époque avaient exclusivement mis en exergue auparavant, la mutilation accidentelle par l’O.A.S de la malheureuse petite Delphine Renard, âgée de quatre ans).
- Le massacre du 5 Juillet 1962 à Oran où selon certaines statistiques, trois mille innocents disparurent ce jour-là sous l’œil impavide du général Katz (le diable ait son âme) et de sa soldatesque.
- L’abandon des harkis livrés à la folie meurtrière du « F.L. HAINE » avec la complicité du pouvoir gaulliste et la passivité de l’armée française. Heureusement et merci à eux, certains chefs courageux prirent la responsabilité d’en sauver un maximum.
- Et enfin le départ forcé pour un ailleurs que nos parents espéraient plus accueillant.
Mon père nous amena à Oran pour nous faire partir, ma mère, mon jeune frère et moi, par un bateau en partance pour n’importe où, pourvu qu’il nous sache à l’abri et où il nous saurait en sureté, (en l’occurrence sur Alicante où par coïncidence, ma mère avait un reste de famille). Sitôt arrivés à l’embarcadère au pied du bateau de l’exil, chargés de nos pauvres bagages, mon père tenta de nous aider à monter sur le pont du bateau. Sa tentative fut vouée à l’échec, car immédiatement un garde mobile s’interposa, menaçant, entre mon père et nous. Le visage haineux, il le braqua avec son P.M, le canon posé contre son ventre, avec l’intention évidente de s’en servir, en cas de tentative de rébellion de sa part, lui intimant l’ordre de lever les bras, lui interdisant ainsi de vouloir nous aider.
La mort dans l’âme et les larmes aux yeux, mon père nous regarda gravir cette passerelle interminable conduisant sur le pont de ce bateau, ma mère chargée de ses deux valises, mon petit frère et moi la tenant par les pans de sa robe. Arrivés sur le pont, nous nous retournâmes vers le quai pour regarder une dernière fois notre père décomposé, les mâchoires serrées et le visage baigné de larmes.
C’est cet instant-là, que choisit un quidam, arrivé je ne sais d’où, mais chargé de l’organisation (sans doute) des passagers malgré eux, pour nous arracher à notre mère en prenant mon jeune frère sous son bras et moi par la main, fila en disant à ma mère que les enfants étaient réunis et parqués en un lieu réservé à leur intention, pour la durée de la traversée.
Ma mère, telle une furie, lâcha ses valises et lui courut après, le rattrapa et nous arracha à son emprise et s’interposa courageusement entre lui et nous. Voyant sa détermination, il fit demi- tour et avec un haussement d’épaules s’en alla, nous laissant ensemble, livrés à nous-mêmes.
Inutile de vous dire, car vous aussi l’avez vécu, que la traversée fut un calvaire, surtout pour ma mère, avec nos mauvaises chaises longues « généreusement » prêtées (C’était grand, c’était beau, c’était généreux la France !) par la compagnie maritime pour les pauvres êtres que nous étions devenus, mais la situation échappait à notre compréhension enfantine et à l’insouciance de notre jeune âge.
Par la suite, quelques jours plus tard, à notre grand soulagement et à notre grande joie, nous vîmes arriver mon père et quelques jours après, mon grand-père maternel, lequel avait réussi à faire partir sa Simca avec lui.
Nous rejoignîmes la France par la route et la suite et l’accueil qui nous fut réservé à notre arrivée dans ce que l’on croyait être notre mère Patrie, vous la connaissez certainement mieux que moi.
Ce qui précède n’a pour but que d’établir un parallèle entre le comportement des pétainistes en 1942 et celui des gaullistes en 1962. A toutes les époques et quel que soit le degré d’évolution d’une nation, d’un état, d’un pays, dans les périodes sombres et troubles, les forces armées obéissent aveuglément aux ordres du pouvoir en place.
Si ce dernier donne l’ordre d’ouvrir le feu sur des civils sans défense, elles le feront sans « hésitation ni murmures » Me voici un homme maintenant. J’ai beaucoup étudié aidé par un environnement familial propice à l’épanouissement de mon frère et de votre serviteur.
De par la profession de mon père, nous avons beaucoup voyagé et je me suis consacré à l’étude des philosophies bien entendu occidentales, asiatiques et orientales et aussi aux arts dits martiaux. J’aurai honneur et plaisir à venir de temps à autre parmi vous pour échanger des idées, des points de vue sur tout ce qui nous entoure, nous rassemble et pourrait même nous diviser. (J’espère que non !)
On apprend peu par la victoire, mais beaucoup par la défaite (Proverbe japonais)
Le Samouraï